Contrat d’entreprise – Devoir d’information de l’entrepreneur
Contrat d’entreprise – Devoir d’information de l’entrepreneur
Il ressort des faits décisifs d’un arrêt récent du Tribunal Fédéral que les parties avaient conclu un contrat aux termes duquel l’entrepreneur s’est engagé à poser un parquet acquis par le propriétaire auprès d’une entreprise tierce. Le propriétaire a interrompu le chantier alors que les travaux n’étaient pas encore achevés. Peu après, le propriétaire a signifié à l’entrepreneur qu’il refusait l’ouvrage en se référant à l’article 368 CO. Par la suite, le parquet s’est dilaté sous l’effet de l’humidité ; faute d’espace suffisant entre le parquet et les parois, respectivement faute de joints de dilatation, il s’est soulevé et déformé, ce qui l’a rendu inutilisable. Se pose donc la question de savoir si la responsabilité en incombe à l’entrepreneur.
Il a tout d’abord été admis que la résiliation du contrat par le propriétaire relevait de l’article 377 CO, lequel ne subordonne pas cette faculté à des conditions particulières, si ce n’est que l’ouvrage ne doit pas encore être terminé.
En cas de résiliation anticipée, l’entrepreneur n’a plus l’obligation ni le droit de poursuivre l’exécution de l’ouvrage. En revanche, l’article 377 CO lui confère le droit d’être payé pour le travail fait et d’être indemnisé complètement.
Les juges ont ensuite examiné dans quelle mesure le propriétaire pouvait invoquer la garantie des défauts s’agissant d’un ouvrage inachevé. Ils ont considéré que les règles des articles 367 à 371 CO étaient applicables par analogie, pour autant que l’ouvrage inachevé manque d’une qualité qu’il aurait déjà dû posséder au moment de la résiliation anticipée, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, car il n’était pas établi que les joints de raccordement auraient déjà dû être mis en place au moment où le propriétaire avait résilié le contrat.
Les juges ont enfin recherché dans quelle mesure l’entrepreneur pouvait répondre, à un autre titre que celui de la garantie des défauts, de la déformation du parquet survenue après la résiliation. L’article 364 CO institue un devoir général de diligence et de fidélité. Ces obligations sont inhérentes au rapport de confiance qui doit exister entre maître et entrepreneur ; on en déduit des devoirs de renseignement et de conseil qui reposent sur l’idée que l’entrepreneur, en sa qualité de spécialiste, doit conseiller le maître et lui signaler toute circonstance importante pour l’exécution de l’ouvrage. L’obligation de fidélité de l’entrepreneur ne s’arrête pas au moment de la livraison de l’ouvrage, mais perdure au-delà sous la forme d’un devoir accessoire post-contractuel. En interrompant ses travaux, l’entrepreneur doit prendre toutes les dispositions utiles pour éviter que le maître subisse un préjudice. Le législateur impose donc à l’entrepreneur d’aviser le maître de toute circonstance propre à compromettre l’exécution régulière ou ponctuelle de l’ouvrage. Outre ces devoirs légaux, il existe l’obligation de renseigner le maître sur l’utilisation correcte de l’ouvrage, sur son entretien, ou l’obligation de donner au maître, à l’intention de l’entrepreneur qui lui succèdera, toutes les informations utiles sur les particularités de son propre ouvrage.
On s’aperçoit ainsi dans cette affaire que la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur a été admise, au motif qu’il aurait dû attirer l’attention du propriétaire sur l’état de pose du parquet au moment de la résiliation anticipée, ce qu’il n’a pas fait, en ce sens qu’il générait un risque que celui-ci se déforme et se décolle en cas d’humidité, ce qui s’est malheureusement produit.