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Responsabilité de l’ouvrage – Sécurité suffisante.

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Responsabilité de l’ouvrage – Sécurité suffisante.

Un couple invite des amis à prendre le repas de midi dans leur propriété. Celle-ci comprend une villa et une dépendance où sont entreposés des meubles et des outils et dont la clef se trouve en permanence pendue à côté de la porte. A l’intérieur de la dépendance se trouve une trappe au niveau du sol. Au moment des faits, cette trappe était ouverte. Lors du repas, le propriétaire a parlé de la dépendance, mais sans en proposer la visite, ni informer ses invités qu’il avait ouvert la trappe et l’avait laissée ouverte. Au terme du repas, alors que le propriétaire faisait une sieste, un des invités a visité la dépendance, a chuté dans la trappe et s’est gravement blessé. Les propriétaires sont-ils responsables ?

Selon l’article 58 CO, le propriétaire d’un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d’entretien. Cet article présuppose la réalisation de cinq conditions : un propriétaire d’ouvrage, un ouvrage, un défaut de l’ouvrage, un dommage et un lien de causalité entre le défaut de l’ouvrage et le dommage.

En ce qui concerne le défaut de l’ouvrage, qui est le point litigieux ici, celui-ci consiste soit en un vice de construction, soit en un défaut d’entretien. Selon la jurisprudence, il y a défaut lorsque l’ouvrage n’offre pas une sécurité suffisante pour l’usage auquel il est destiné.

Pour déterminer s’il y a défaut de l’ouvrage, il faut procéder en trois étapes : Premièrement, il faut connaître le but de l’ouvrage, c’est-à-dire l’usage auquel l’ouvrage est destiné. L’ouvrage n’a pas à être adapté à un usage contraire à sa destination. Il faut toutefois distinguer les ouvrages destinés à une utilisation par le public et ceux destinés à l’utilisation privée. Deuxièmement, pour savoir si un ouvrage présente une sécurité suffisante eu égard à l’usage auquel il est destiné, il faut déterminer, d’après un point de vue objectif, ce qui peut se passer, selon l’expérience de la vie, à l’endroit où se trouve l’ouvrage. L’ouvrage est exempt de défaut s’il a été construit et équipé de manière à assurer la sécurité des usagers. Le propriétaire n’est toutefois pas tenu de parer à tous les dangers imaginables. Lorsqu’un ouvrage est destiné à être utilisé par le public, les exigences de sécurité sont accrues. Ainsi, dans un magasin, le propriétaire doit prendre les mesures nécessaires pour prévenir les accidents : en effet les usagers sont généralement distraits par les marchandises exposées et sont moins attentifs que d’ordinaire. En revanche, les mesures de sécurité sont moins élevées pour une maison privée qui n’est accessible qu’à un nombre restreint de personnes. Le propriétaire n’a pas à prévenir n’importe quel risque dont les utilisateurs de l’ouvrage ou les visiteurs peuvent se protéger avec un minimum d’attention. Troisièmement, il faut examiner si l’élimination d’éventuels défauts ou la prise de mesures de sécurité est techniquement possible et si les dépenses ainsi engendrées demeurent dans un rapport raisonnable avec l’intérêt de protection des usagers et le but de l’ouvrage.

Il n’a pas été constaté dans cette affaire que les invités auraient manifesté un intérêt particulier pour la dépendance lors du repas, ce qui aurait pu éveiller chez le propriétaire l’idée qu’ils pourraient tenter une visite. C’est donc à raison que la cour saisie a considéré que le propriétaire n’avait pas à sécuriser la trappe laissée ouverte, alors que lui seul utilisait la dépendance et qu’il n’était pas prévisible pour lui que les invités de ce jour y pénétreraient hors de sa présence. Partant, il n’y a pas de défaut d’entretien de l’ouvrage et donc pas de responsabilité des propriétaires.